vendredi 29 août 2008

« Barack is beautiful » : la folle semaine démocrate

Moment de gloire hier soir pour un Barack Obama enfin sacré, rage de vaincre pour un parti démocrate qui doit toujours panser ses plaies et faire croire à l’unité, folie des grandeurs pour une semaine de convention qui s’est close hier soir au stade d’Invesco Field à Denver, Colorado, devant une foule extatique de 80 000 personnes. Retour sur les temps forts, les choix du parti et le programme des semaines à venir.

La fureur de vaincre :les caciques du parti croisent le fer sur une scène de velours
Tapis rouge et paillettes, discours élogieux et clips hagiographiques à la gloire du candidat Obama, la convention démocrate s’est close hier soir et les secrets de polichinelle et autres jeux de dupes laissent place aux décisions stratégiques pour mener le camp démocrate à la victoire. Mais sous les acclamations de rigueur, les quatre jours de convention ont aussi mis au jour les tensions au sein du parti.
Oui, Barack Obama est officiellement le candidat démocrate pour le poste de 44ème président des Etats-Unis depuis le vote des délégués mercredi. Oui, c’est historique et la date de son discours d’acceptation qui fera date n’est pas anodine : le 28 août 1963, le révérend Martin Luther King prononçait son célèbre discours " I have a dream " et des centaines de milliers d'Américains, noirs pour beaucoup, marchaient sur Washington pour l’avancement de leurs droits civiques. 45 ans plus tard, jour pour jour, le premier candidat métisse à une telle fonction a donc prononcé son discours d’acceptation. Sous des hourras et des vivas aux accents du " yes we can ", le slogan obamanien, le jeune sénateur a prononcé un discours plein d’audace et d’espoir, galvanisant, rassurant et offensif à la fois.
Oui, le " Billary show " a fonctionné à plein et le camp Clinton s’est enfin ouvertement rallié à sa cause cette semaine, Hillary demandant même un vote à l’acclamation mardi, au beau milieu du comptage des voix : "dans un esprit d’unité, qui a pour seule visée la victoire, déclarons ensemble, d’une seule voix, ici et maintenant, que Barack Obama est notre candidat " avait-elle dit, interrompant le " roll-call " officiel. Après près de deux ans de combat sans merci, des primaires contestées jusqu’au bout à couteaux tirés, même Bill est monté sur scène pour promouvoir celui qui l’avait implicitement taxé de racisme et qui n’avait pas fait son maximum pour aider sa femme à éponger ses dettes suite à sa défaite aux primaires…il n’assista pour autant pas au discours de clôture d’obama hier…un discours qui n’était pas sans rappeler son illustre prédécesseur, JFK.
Mais rien n’est joué et le candidat républicain compte bien, lui aussi, célébrer un anniversaire : le sien ! Né le 29 août 1936, ce septuagénaire fringuant pourrait bien être la bête noire du camp démocrate. Il espère bien en tout cas que leurs divisions les privera de la remontée dans les sondages qui suit traditionnellement une convention. Car " l’unité " martelée tout au long de la semaine à Denver n’est que de façade. Les Clinton ? Obama préfère en effet se situer dans la lignée des Kennedy. Caroline, la fille de JFK et Ted, son frère, bien que luttant contre un cancer, sont d’ailleurs venus le soutenir dans des discours élogieux. Quant aux supporters d’Hillary, pas moins de 30% prétendent qu’ils voteront pour McCain et, fait plus inquiétant, ces chiffres n’évoluent pas les semaines passant, ils empireraient même à la faveur du candidat républicain… L’annonce tant attendue du colistier a-t-il pu effacer pour un temps ces clivages ?

Joe biden : le faux vrai bon choix ?
Pas vraiment : au soir de son investiture comme " numéro 2 ", mercredi, le moins que l’on puisse dire est que le discours de Biden n’a pas suscité l’enthousiasme que Hillary avait su inspirer la veille, malgré l’apparition surprise d’Obama himself à la fin de son discours (sa première apparition sur la scène de Denver depuis le lancement de la convention lundi). Fatigue dans les rangs après trois jours harassants ou inquiétude plus profonde quant à ce choix de " running mate " ? Seuls 6% des délégués de la convention voulaient en tout cas de Biden comme co-listier, ambiance…
Candidat plus classique mais choix ô combien stratégique, il a pour principale mission d’être le porte-voix des attaques les plus virulentes à l’égard de McCain. Celui qui avait été l’un des adversaires d’Obama pendant les primaires a aussi l’avantage d’être son parfait complément et peut lui faire gagner les voix qui lui manquent tant : celles des électeurs blancs de la classe moyenne et ouvrière. Mais dans un sondage du 24 août conduit par le polling report, 74% des Américains ont affirmé que le choix de Biden " ne fera guère de différence " dans leur vote du 4 novembre, seulement 15% d’entre eux déclarant que ça les incitera à voter Obama. Et Biden a beau assurer comme leitmotiv que " Barack saura rendre l’Amérique plus sûre et restaurer sa réputation sur la scène mondiale ", les sondages sont dans ce domaine toujours à l’avantage du républicain. Un sondage CNN publié mercredi indiquait que l’opinion publique américaine créditait McCain de 78% de points à la question de sa capacité à " exercer les fonctions de " commandeur-en-chef ", contre 58% pour le démocrate. 52% verraient le premier gérer une crise internationale contre 43% pour Obama. Les républicains sauront jouer sur ces faiblesses : mardi, alors qu’Obama venait d’être officiellement élu candidat par les délégués démocrates, McCain se fendait d’un mot de félicitations de rigueur, ponctué d’un plus amer : " j’attends avec impatience le combat entre mon expérience, mon savoir et mon sens du jugement et [son] manque d’expérience ". C’est dans ce contexte que s’ouvrira lundi la convention républicaine à St Paul dans le Minnesota et McCain espère bien lui aussi faire de ce show traditionnel à l’américaine, un moment fort de sa campagne.
Le ticket " Obama-Biden " sait en tout cas à quoi s’en tenir et sur quel front ils doivent dorénavant mener campagne . " United we stand ", c’est la devise de l’Amérique, le nouveau credo du parti démocrate ?

mercredi 6 août 2008

Raymond Carver, une poésie désenchantée du réel

Il y a vingt ans, le 2 août 1988, disparaissait l’un des plus grands auteurs américains du vingtième siècle, Raymond Carver.
Emporté par un cancer du poumon à 50 ans à peine, cet immense écrivain, romancier et poète assez méconnu en France, a surtout marqué la littérature américaine contemporaine par ses nouvelles, véritable bible pour tout aspirant auteur qui chercherait le réalisme . Le cinéaste Robert Altman disait de lui : " du prosaïque, Carver faisait de la poésie. Un critique a écrit qu’il révélait l’étrangeté cachée derrière le banal. Mais ce qu’il faisait, en fait, c’était de capturer les idiosyncrasies merveilleuses des comportements humains qui existent au milieu du grand hasard des expériences de la vie ".
Car s’il a souvent été comparé à Tchekhov, un auteur qu’il vénérait, le genre littéraire bien particulier qu’est la nouvelle a trouvé ses maîtres outre-Atlantique, d’immenses prédécesseurs tels que Poe, James ou Hemingway. L’art du récit court, de la narration condensée, du dénouement abrupt et surprenant, voire déstabilisant, son écriture sans concessions aux fioritures littéraires surprend au début par son caractère sec, ramassé, par son style abrupt (maître de la parataxe, de l’absence de guillemets qui permettent aux dialogues de se diluer dans le récit) , sa prose simple en apparence simpliste mais à la construction parfaite : " si vous pouvez enlever des mots, allez-y, élaguez, élaguez, élaguez encore ! " était l’une de ses devises en tant que professeur.

Une poétique de la solitude, de la quête existentielle et de la perte d’identité
Souvent décrit comme un auteur minimaliste, il avait fait sienne la " théorie de l’iceberg " d’Hemingway, pour qui seul un huitième avait besoin d’être révélé au lecteur, les sept-huitièmes restant demeurant sous les profondeurs. Son réalisme décrit la vie de gens ordinaires dont les existences désespérément communes cachent néanmoins des blessures secrètes, des cassures aux failles insondables. Souvent en proie à la séparation, à une vie familiale en perdition, à l’alcool, à la misogynie et à l’échec d’une vie professionnelle frustrante et insatisfaisante, ses personnages sont des anti-héros en quête de sens, des personnages dont on ne sait presque rien et à la profondeur pourtant abyssale, abîmés par la vie et sans réel avenir. C’est là le paradoxe de son style, le génie de sa création.
Attention, pas de sentimentalisme néanmoins dans son œuvre. S’il peut être présenté comme un portraitiste d’une American way of life en déliquescence, et pourrait être comparé au peintre Edward Hopper, la psychologie des personnages ne l’intéresse absolument pas, la critique sociale encore moins. D’où l’universalisme de son œuvre, ces personnages abandonnés à un monde réel déprimant et sans issue, mais qu’une écriture de l’omission laisse à chacun de ses lecteurs une possibilité de libre interprétation pour tenter de combler ces vides souvent angoissants, pour accepter cette " inquiétante étrangeté " qui nous envahit à la lecture de ses lignes.
Librement adapté au cinéma, par Robert Altman dans son film choral Short Cuts basé sur une dizaine de nouvelles et plus récemment par Ray Lawrence dans Jindabyne, Australie (une transposition de la nouvelle So much water So close to Home) sorti cette année en France, Carver est également une bonne introduction pour un lecteur français qui voudrait commencer à lire des textes en anglais (le site www.granta.com/extracts/574 permet de lire gratuitement la nouvelle Vitamins). Pour ceux qui ne seraient pas tentés par l’aventure, il est publié en français en édition poche : Les vitamines du bonheur, Tais-toi je t’en prie, Parlez-moi d’amour, Neuf histoires et un poème qui reprennent les nouvelles utilisées par Altman pour Short Cuts

Hit the road, Barack ! Obama à la rencontre des Américains…et du reste du monde

Son tour des Etats-Unis ressemblait déjà à une tournée de rock star : le 9 juillet à New York, le 11 à Kansas City, le 16 à Chicago …Barack Obama avait promis au début des primaires de se rendre dans chacun des 50 états d’Amérique pour aller " à la rencontre des Américains ". Mission presque accomplie avec 49 états parcourus en 18 mois, seul l’Alaska manquant pour l’instant à l’appel (il a promis de s’y rendre, une fois élu président !). Parcours décidément aussi ambitieux qu’impressionnant pour cet ancien enfant métisse qui a passé son enfance à Hawaii et en Indonésie et n’avait pas posé les pieds sur le continent avant ses onze ans. S’il est certes de coutume pour un aspirant président de sillonner le pays, le candidat démocrate avait prévu des arrêts hautement stratégiques, des états-clé que les démocrates n’ont pas remporté depuis des années comme le Montana, la Virginie, le Nord Dakota ou encore la Caroline du Nord dont est pourtant issu un ancien favori démocrate, John Edwards. Des bastions ouvriers, blancs, surtout qui avaient massivement soutenu Hillary Clinton au cours des primaires.

" Sur la route ", c’est donc le programme marathon que ce quadra énergique à l’ascension fulgurante et si prometteuse s’est imposé ; Il a démarré ce week-end sa tournée mondiale à Kaboul où il a rencontré le président afghan Hamid Karzai, l’Afghanistan (tout comme le Pakistan) étant le lieu où l’Amérique doit concentrer ses efforts dans la guerre contre le terrorisme. A Bagdad, lundi (son dernier voyage en Irak remontait à janvier 2006) il a à nouveau réaffirmé son intention de retirer la majorité des troupes américaines en 2010, fort du soutien du premier ministre irakien Nouri Al-Maliki et a renouvelé ses critiques face à une administration Bush qui s’est trompée de cible en visant l’Irak. But clairement affiché : se présenter comme un " commander-in-chief " plausible, un leader de stature internationale et mettre un terme aux accusations quant à son jeune âge (il aura 47 ans dans deux semaines) et sa relative inexpérience (il n’est sénateur " que " depuis quatre ans s’offusquent les républicains !)

Dans les pas de JFK
Pas de visite dans la petite ville japonaise d’Obama officiellement prévue mais bien d’autres " nouvelles frontières " à franchir pour ce jeune candidat, un vrai changement là encore, alors même que George Bush s’était vanté de ne connaître que le Mexique et le Canada avant d’être élu président…
Après le Moyen-orient, Israël et la Jordanie aujourd’hui et mercredi, Obama mettra le cap sur l’Europe : outre la Grande-Bretagne et la France (vendredi), sa visite est très attendue en Allemagne, à Berlin jeudi. Quelque peu contreversée aussi depuis qu’Obama a été invité par le maire de la ville à s’exprimer à la porte de Brandebourg, là-même où Kennedy avait prononcé son célèbre discours " Ich bin ein Berliner " il y a 45 ans. Choix contesté par certains Allemands, dont la chancellière Angela Merkel, qui rétorquent qu’un leader européen en campagne n’irait pas prononcer un discours devant la Maison Blanche ! Reste que si l’intention de ce " world tour " est tout à fait louable, cruciale même diront certains pour une Amérique qui doit se réconcilier avec le reste du monde, Obama ne prend là néanmoins pas de gros risques : sa cote de popularité en Europe est exceptionnelle (74% des Anglais, 82%des Allemands et 84% des Français le préféreraient à McCain, selon le centre de recherches Pew ), le planning et l’ordre du jour des visites a été finement calibré par son équipe de campagne et la répercussion médiatique qui en ressortira ne lui sera que bénéfique (les trois présentateurs vedette des chaînes de télévision CBS, ABC et NBC ont d’ailleurs embarqué à bord de son Boeing…)
De retour aux Etats-Unis la semaine prochaine, Obama repartira en tout cas avec la même vigueur politique, le même enthousiasme de " natural born orator " à la conquête de ceux qui pourraient le placer à la tête de la première puissance mondiale…

Destination finale : Denver, Colorado
Dernière date pour la tête d’affiche démocrate : la convention du parti démocrate à Denver, capitale du Colorado, le 28 août prochain, jour officiel du lancement de sa campagne présidentielle et, bonus symbolique, jour du 45ème anniversaire du tout aussi historique discours de Martin Luther King " I have a dream ". En choisissant pour son discours d’intronisation le stade d’Invesco Field, 75 000 places, il marche, là encore, dans les pas de son père, politique, en étant le premier depuis Kennedy à faire le choix d’un lieu immense hors de la " convention hall " (JFK avait attiré plus de 50 000 personnes au Memorial Coliseum de Los Angeles pour son discours d’investiture en 1960). Le but est double : outre la résonance médiatique à l’effet garanti (la couverture télévisée d’un tel événement sera à la hauteur de la symbolique à l’œuvre), il s’agit aussi d’envoyer un message d’ouverture aux électeurs, le lieu choisi pour la convention (le Pepsi Center) ne pouvant accueillir que 20000 personnes, les ténors du parti en grande majorité. Il espère aussi, une fois encore, faire sensation comme pour son rassemblement phénoménal de Portland, Oregon, en mai dernier lorsqu’il avait enflammé une foule galvanisée de 75 000 personnes (son plus gros meeting de campagne à ce jour). Sa tournée européenne et au Moyen-Orient lui aura en tout cas donné la stature internationale qui lui faisait jusque là défaut…

mercredi 25 juin 2008

Nouvelle Première Page sur Rue89

un article sur Ralph Nader est en ligne aujourd'hui sur Rue89.
le lien: http://www.rue89.com/

remarque: mon titre était: "La très résistible ascension de Ralph Nader". Personnellement, je le trouvais meilleur... allez, c'est pas très grave!

jeudi 19 juin 2008

Me lire sur La dépêche.fr

Je couvre dorénavant l'élection américaine pour le site Internet de La Dépêche du Midi. Pour me lire, allez dans la rubrique "Chroniques américaines":
"Enjoy your reading!" Et n'hésitez pas à poster des commentaires avisés, des critiques constructives et autres remarques personnelles, merci!

mardi 10 juin 2008

les bonnes nouvelles arrivent par 2!

première page sur Rue89 ce jour avec un article sur McCain:
http://www.rue89.com/

Nouveauté! 1ère page sur La Dépêche en ligne!

C'est officiel, vous pouvez dorénavant me lire sur le site internet de la Dépêche du Midi pour lequel je couvre les élections américaines. Premier article aujourd'hui:

"Fin de partie pour Hillary?"
http://www.ladepeche.fr/article/2008/06/09/458659-Fin-de-partie-pour-Hillary-Retour-sur-une-campagne-qui-pourrait-en-cacher-une-autre.html

vendredi 6 juin 2008

Mc Cain / Obama : le clash des générations ?

Après le rude combat qui l’a opposé à Hillary, rien n’est encore gagné pour Barack Obama dans le duel qui l’oppose désormais à John McCain. Si l’élection avait lieu ce jour, les sondages s’accordent à dire qu’ils se partageraient les voix à parfaite égalité .
Suivant le modèle –très controversé- de Samuel P. Huntington sur le " clash des civilisations " qui séparerait le monde en deux sphères culturelles à la rivalité si grande qu’elle n’aurait d’autre issue, à l’aube du 21ème siècle, que la confrontation imminente, peut-on dire que la nation américaine se trouve, elle aussi, au soir de la fin de partie primaire et à l’orée du 4 novembre, partagée en deux mondes tout aussi distincts : celui des électeurs jeunes et celui des " seniors " ? La présidentielle reflète en tout cas cette polarisation autour de deux candidats dont l’un pourrait très largement être le père de l’autre : Mc Cain, 71 ans, Obama, 46 ans. La question reste entière : Les jeunes peuvent-ils faire pencher la balance ?

" No country for an old man " ?
McCain soufflera en effet 72 bougies le 29 août prochain, le lendemain jour pour jour où le jeune Obama (47 ans le 4 août ) sera officiellement désigné par la convention démocrate à Denver et trois jours avant le début de la convention républicaine. Dit autrement, il aurait 75 ans à la fin de son mandat.. Y a-t-il là réelle source d’inquiétude ? Reagan n’avait-il pas été élu à 70 ans pour terminer son mandat à 78 ? La sphère politique américaine jusqu’alors préservée serait-elle, à son tour, en proie au jeunisme ? Il n’en resterait pas moins le président le plus âgé à entrer en exercice…
Invité de l'émission de divertissement "Saturday Night Live" sur la chaîne NBC il y a deux semaines, McCain avait pris le parti d’en rire.. Ainsi à la question du présentateur : "Je vous pose la question, qu'est-ce que l'on devrait chercher chez notre prochain président?", avait--il répondu :"certainement quelqu’un qui soit très, très, très vieux (…) L’important c’est de pouvoir regarder ses enfants dans les yeux. Ou, dans mon cas, mes petits-enfants, mes arrières petits enfants, mes arrières-arrières petits enfants, dont les plus jeunes approchent de l’âge de la retraite ! "
Une chose est sûre : on a l’âge de ses alter…ego ! En l’occurrence, un bilan catastrophique pour le parti républicain après 8 ans d’administration Bush. Héritage on ne peut plus encombrant, les adversaires démocrates n’ont eu de cesse que de jouer sur le thème : McCain, le troisième mandat de Bush ! Et ça marche : selon un sondage récent CBS/New York Times*, 58 % des américains ont une opinion défavorable du parti républicain (33 % seulement en ont une opinion favorable). Et la politique menée en Irak n’aidera pas les jeunes à soutenir le " Grand Old Party ". Ils avaient déjà massivement soutenu Kerry en 2004 (56%) contre Bush (43%) et selon l’enquête du Harvard University’s Institute of Politics*, les deux questions majeures de la présidentielle pour cette " generation next " (jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans, lycéens ou étudiants de fac) sont l’économie (29%) et … la guerre en Irak (20%) bien avant la santé (9%) et l’environnement (5%). Plus inquiétant encore pour le camp républicain : ils sont 58% à penser que " globalement, les choses vont plutôt mal en Amérique " (seuls 10 % trouvent que la direction est plutôt la bonne). Pour James A. Leach, directeur de l’Institut politique de l’université de Harvard et ancien représentant, " cette campagne présidentielle pourrait tout à fait revenir à savoir lequel des deux candidats arrivera à inspirer et à mobiliser les jeunes ".*

Dans le duel McCain/ Obama, les jeunes votent pour le second !
Même si le sénateur de l’Arizona était le candidat le plus acceptable pour les moins de 26 ans au cours des primaires républicaines (devant Huckabee et Romney), il a face à lui un adversaire tout acquis au " vote jeune ". Ils étaient déjà à l’origine d’une " Obamania " redoutablement efficace au cours des primaires démocrates. Obama et ses armes de séduction massive lui valaient le soutien de quelques 70 % des jeunes contre 30% pour Hillary. Chiffres éloquents : si l’élection avait lieu en ce moment, ils seraient 53% à voter pour Obama, 32% choisiraient Mc Cain. Principale raison invoquée par ces jeunes à l’âge de raison bien affirmé : le " besoin de changement " (25%), puis le " personnage " d’Obama lui-même (16%). A la même question sur Mc Cain, seulement 2% invoquent son " personnage "…31% expriment leur accord avec son programme.
Affaire pliée ? Pas si vite ! 225 millions d’Américains sont des électeurs potentiels et ces 30 millions de " jeunes " en âge de voter qu’on n’a pas besoin, d’ailleurs, d’appeler " juniors " par crainte de les offenser, pèsent moins que les quelques 37 millions d’ " elderly ", ces " séniors " de 65 ans et plus qui représentent 12% de la population américaine actuelle (299 millions selon le dernier recensement de juillet 2006). Or ces électeurs plus âgés voteraient nettement moins facilement pour Obama (ils étaient très majoritairement pro-Hillary pendant les primaires). Et que dire des 75 millions de " baby boomers " (41 à 59 ans) ? Selon les tout derniers sondages, ils sont divisés à égalité parfaite : Mc Cain=45%, Obama = 45% ! Il reste 5 longs mois de campagne acharnée avant le D-Day du 4 novembre, 5 mois pour sceller l’union d’un candidat avec le peuple américain tout entier, pour le meilleur (ajuster les tirs, cibler l’électorat, emporter le vote populaire)… ou pour le pire : 5 mois aussi où des gaffes de campagne, bourdes rhétoriques et autres faux-pas stratégiques pourraient définitivement mettre l’un des deux front-runners K.O…

*Sources :
Sondage CBS/New York Times réalisé entre le 25 et le 29 avril 2008.
Etude du Pew Research Center du 9 janvier 2008 mise à jour le 6 juin.
Enquête du Harvard University’s Institute of Politics (IOP), Harvard Kennedy School : " Spring 2008 Survey ", 11 mars-1er avril 2008.

dimanche 1 juin 2008

Nouvel article sur Rue89

Voilà l'été... et les nouvelles sagas télé! Une première page sur Rue89...
www.rue89.com

lien complet de "à la une: médias":
http://rue89.com/2008/05/31/voila-lete-et-revoila-les-sagas-prefabriquees-des-teles

vendredi 30 mai 2008

"Calamity Hillary" grille ses cartouches

Une killeuse redoutablement efficace en campagne, une pro des meetings à la détermination sans faille, qui suscite pourtant une question de plus en plus partagée par les Américains eux-mêmes : pourquoi Hillary ne jette-t-elle pas l’éponge ?
Beaucoup de démocrates la soutiennent certes, et sur le front de la course à l’investiture, son équipe de campagne joue le jeu du vote populaire versus le vote des délégués mais cette petite bataille bien dangereuse pourrait lui coûter cher…

Hillary à tout prix ! Décryptage des stratégies du camp Clinton

Pour les francs-tireurs du parti, pour les nombreux électeurs démocrates qui ne sont pas convaincus que Obama battrait McCain ou pour son Kill Bill de mari, Hillary Clinton dévoile un jeu en trois manches, une stratégie féroce et ambitieuse, à l’image d’une candidate conquérante.
Première stratégie, purement comptable : décrédibiliser la thèse selon laquelle Obama aurait l’avantage en arguant de sa propre ascendance dans la course. En as de la gâchette facile, les pro-Hillary sont allés très (trop ?) loin en comparant les primaires de Floride aux élections du Zimbabwe ou de la présidentielle de 2000, argument on ne peut plus explicite qui résonne avec fracas aux oreilles yankee : on nous a truqué la campagne, les recomptes sont nécessaires ! Accusation d’autant plus hypocrite que les lois arithmétiques jouent contre elles : Obama aurait à ce jour gagné un demi million de votes populaires de plus qu’elle au cours de ces longs mois de primaires. Et tout le monde sait –même si l’on peut sans offusquer, avec raison- que le vote populaire reste symbolique et que le seul nombre qui compte réellement pour accéder à la nomination en août est celui des délégués (mais là aussi Obama en a déjà 200 de plus). Quant aux délégués de Floride, précisément, Hillary et son équipe étaient les premiers à demander qu’on n’en tienne pas compte, l’état (comme le Michigan) ayant avancé la date de la primaire sur le calendrier démocrate, entravant ainsi les règles de fonctionnement du parti. Demander aujourd’hui qu’on tienne compte de ces délégués relève au mieux de l’amnésie collective, au pire d’un cynisme agressif qui ne fait pas honneur à un modèle démocratique déjà bien critiqué. Coup de poker (menteur) et bluff majestral qui ne lui assureront pas une bonne main, le peuple américain n’aime pas les mauvais perdants…et là ils ont du mal à suivre…

En découle la stratégie du diviser pour mieux renier mais celle-ci s’annonce tout aussi contre-productive. Alors que McCain, le candidat républicain, est en embuscade depuis le mois de mars, qu’ont à gagner les démocrates d’une telle division ? A supposer qu’elle joue le tout pour le tout et tente de se maintenir pour former un " ticket ", est-il raisonnable de penser qu’elle puisse être la vice-présidente crédible d’un président-ex-candidat qu’elle aura tant fustigé ?

Phase finale d’un jeu de roulette rusée

La dernière piste, et seul pari gagnant, est celui des 800 " superdélégués " (ces hautes figures du parti, anciens leaders, officiels ou membres du Congrès en exercice). Hillary Clinton s’est depuis peu lancée à leur conquête quasi exclusive: elle leur a envoyé à tous une lettre ouverte avant-hier pour plaider sa cause. Son staff est persuadé que sa victoire probable à Porto Rico dimanche (négligeable sur le plan comptable) en convertiront davantage et elle mise, surtout, sur l’argument "qui de nous deux battra McCain ? " Mais une enquête du New York Times-CBS News révélait hier que 320 soutenaient ouvertement le candidat maverick de l’Illinois contre 275 pour sa rivale (dont Bill et Hillary eux-mêmes !).166 de ces caciques cerbères ne se prononçaient pas publiquement, (parmi lesquels Al Gore) et restent donc des cibles de choix.
Pour l’heure, Nancy Pelosi ( Speaker de la Chambre des représentants) et Harry Reid (leader de la majorité démocrate) encouragent les " super délégués " à exprimer leurs intentions publiquement la semaine prochaine en vue d’avoir un candidat avant la fin juin. Le but pour le parti : changer la donne, abattre son jeu et reprendre la main, pour de bon, pour le prochain round, coup de lasso final pour l’homme à abattre le 4 novembre : John McCain.

jeudi 29 mai 2008

mercredi 28 mai 2008

petit papier sur Rue89

un petit billet clin d'oeil que Rue89 a bien voulu me passer...
en première page:
http://www.rue89.com/
(zone "Gonflés à Blog")

ou bien sur l'adresse complète:
http://www.rue89.com/2008/05/27/la-fete-des-voisins-c-est-aussi-sur-rue89

mardi 27 mai 2008

Sagas de l’été : résisterons-nous aux jeux de l’amour et du hasard concoctés par les chaînes ?

Objet télévisuel kitsch à souhait, marronnier incontournable du PAF aux saisons chaudes, les sagas de l’été ont encore rivalisé d’inventivité maléfique pour nous tenir en haleine et faire vibrer notre palpitant ! La recette est en général assez simple et obéit à des règles quasi immuables depuis " Le vent des Moissons ", historiquement la première du genre lancée par TF1 il y a 20 ans : un brin de drame familial à forte capacité lacrymale, un soupçon de sang, une pincée d’ésotérisme, tout ça sur fond de drame familial autour d’un secret mis au jour à la fin du premier épisode. Des sujets " concernants " (la famille, l’adultère, la descendance et l’héritage) et des personnages archétypaux version le con, la pute et le croulant, les sagas sont à la télé ce que les romans de plage sont à la littérature. Pour preuve, M6 nous programme dès juin " Où es-tu ? " d’après le roman de Marc Lévy avec en guest stars Cristiana Réali et Elsa Lunghini (alias " Elsa, la chanteuse).

Familles, je vous hais !

Eh oui, encore bien des fils indignes et revanchards, rongés par l’avarice et le ressentiment, des mater dolorosa, fortes têtes qui tiennent d’une main ferme les rênes d’une famille aux abois, des salauds cupides et diaboliquement maléfiques, c’est là l’une des clés du succès pour ce format estival, inauguré par la saga feuilletonesque " Dallas " ou un peu de rancœur dans un monde de brut ! Outre la part de rêve permise par des lieux qui en mettent plein les mirettes au téléspectateur, au choix : la Riviera (" Châteauvallon ", " Zodiaque ", " Un été de canicule "), des domaines familiaux ou historiques ( " Le château des oliviers ", " La prophétie d’Avignon ") ou, plus à la mode, des terres exotiques (l’Australie des " Oiseaux se cachent pour mourir ", le Cuba de " Terre indigo ", le Maroc pour " Terre de lumière " LA saga 2008 de France 2 et Saint-Domingue pour " Où es-tu ? " de M6), c’est bien l’identification de tout un chacun à des personnages aux traits de caractère poussés à l’extrême qui fait le succès de ces séries. Volontairement exagérés, voire grotesques et caricaturaux, ils vont de vendetta vengeresse en coups de théâtre épiques, de rebondissements en accélération dramatique rythmer nos congés payés estivaux en jouant avec nos nerfs et nos émotions ! Valeur ajoutée : le fort potentiel addictif de ces feuilletons dont les cliffhanger (ces fins au suspens redoutablement insoutenable!) tiennent en haleine la ménagère (mais sûrement pas qu’elle!) d’une semaine à l’autre…

Marivaudages et dramaturgie faustienne : un vent de mystère et de l’eau de rose en barriques !

Car l’incongruité des situations s’explique par une forte propension au surnaturel et à la romance. L’irruption du coup du sort, fatal, incarné, parfois, par un Méphisto diabolique ou bien par une entité purement fantastique, c’est bien là-dessus qu’a parié TF1 avec sa " Main blanche" (Ingrid Chauvin, Bruno Madinier) dont la diffusion a commencé mardi soir. Le résumé proposé par la chaîne ? Une jeune femme a " mystérieusement " disparu dans la région de Guérande et une main coupée est retrouvée dans une saline en friche. S'agit-il de la main de la disparue ?… M6 nous promet aussi notre dose de paranormal et de désaxés en tout genre : avec "La lance de la destinée " (tout un programme !), sorte de Da Vinci Code frenchie, la petite chaîne fait monter la pression avec moult meurtres et trahisons et nous propose de suivre Jacques Weber dans une quête à travers les fouilles archéologiques de Paris sur les pas du Christ (rien de moins !)
France 2 espère renouer avec le succès du "Silence de l’épervier " diffusé il y a quelques semaines et n’entrave pas non plus les codes et la définition du genre (le mot "saga vient du verbe islandais " conter, raconter ") avec sa fournée de l’été " Terre de lumière ", un feuilleton en quatre épisodes qui contera l'histoire d’Aline (Mélanie Maudran) qui vient de perdre son mari et va refaire sa vie au Maroc dans les années 1930 pour créer une ferme en plein désert. Au casting également : Florence Thomassin et Hippolyte Girardot. Pour l’actrice Mélanie Maudran, abonnée au format ("Les secrets du volcan" sur France2 en 2006), " Aline a une manière qui me plaît énormément de prendre son destin à bras le corps. Elle n’a pas de passé à résoudre mais un avenir à trouver… " Diantre !

Saga, ah fric ah !

C’est que l’enjeu est grand ! Les programmateurs visent haut pour ces cases consensuelles aux recettes publicitaires éloquentes (3,7 millions d’euros pour France 2 et sa " Prophétie d’Avignon", 9,6 pour les " Suspectes " de M6 l’an dernier*) mais le vent semble tourner et la saison 2007 s’est close en demi-teinte : "Mystère " diffusé par TF1 a fini avec 7 millions de téléspectateurs toujours accros, certes, mais c’était 1 million de moins que leurs "Maîtres du zodiac "(Claire Keim, Francis Huster) version 2006. M6 parie donc sur Marc Lévy et l’adaptation de son best-seller " Où es-tu ? " la semaine prochaine pour des records d’audience et le jackpot publicitaire. Extraits des teasers promotionnels de la chaîne : "Philippe et Suzanne s’aiment depuis leur plus tendre enfance et se sont promis de s’aimer toujours, quand bien même le destin devrait les séparer. Mais les parents de Suzanne vont trouver la mort subitement et elle décide alors de mener à bien sa propre existence en aidant son prochain. Après un terrible ouragan à Saint-Domingue, elle s’engage pour deux ans dans la Croix Rouge. Tout bascule le jour où, Lisa, la fille de Suzanne débarque dans la vie du couple... " Sic !
Reste une question non moins haletante : TF1, France 2 et M6 sauront-ils percer le mystère d’un bon scénario et résoudre l’énigme de personnages crédibles pour la saison 2009?...

* source : Institut yacast.

samedi 24 mai 2008

quart d'heure Wharolien... marie dans La Dépêche...

Ma trombine et mon avis hautement éclairé (!) sur la commission Copé pour "une télé publique de qualité": c'est dans La dépêche du Midi du samedi 24 mai:
http://www.ladepeche.fr/article/2008/05/24/455783-La-tele-que-vous-aimez.html

Restons calmes: j'ai en fait participé à un panel de lecteurs jeudi après-midi à La Dépêche et il s'agit donc ici d'un compte-rendu de l'entretien réalisé par Olivier Auradou et Martine Cabanne...

Payer plus pour regarder mieux ?

Premières conclusions – illusions - de la commission Copé " pour une nouvelle télévision publique"

Rien de nouveau sous le soleil mercredi : la conférence de presse-étape plus qu’attendue de Jean-François Copé, président de la commission " pour une nouvelle télévision publique " s’est finalement soldée par la remise sur le tapis des pistes préliminaires, à savoir : l’augmentation de la redevance (l’option privilégiée par la majorité de la commission mais que Sarkozy exclue fermement), une taxe sur les opérateurs de téléphonie mobile ou encore sur les fournisseurs d’accès Internet, en gros ce qui avait, déjà, été envisagé dès janvier !
Annoncée, comme à son habitude, avec fracas, sans consultation préalable des principaux intéressés (y compris la Ministre de la Culture Christine Albanel qui l’a appris en même temps que les journalistes) par le président orchestre Sarkozy, le 8 janvier dernier, où en est-on réellement, après quatre mois et demi de débats, de la suppression de la pub à la télé publique ?

De bidouillages en cafouillages…

Après l’effet d’annonce, un communiqué de la présidence daté du 16 février fixait un objectif clair et ambitieux, salutaire, même, s’accordaient à dire certains professionnels: " proposer une nouvelle identité pour le service public audiovisuel à l’ère du numérique, et faire des propositions permettant au gouvernement de rédiger le nouveau cahier des missions et des charges du groupe France Télévisions. "
La commission, composée d’un collège de 16 parlementaires (dont 4 socialistes) , et d’un deuxième collège de 17 professionnels (dont le pédopsychiatre Marcel Rufo, le producteur audiovisuelJacques Chancel ou encore Marin Karmitz, producteur et distributeur (MK2), devait donc résoudre cette équation fondamentale : comment compenser un manque à gagner estimé à 1,2 milliard d’euros, à partir de quand et selon quelles modalités ? Marqués par un environnement légitimement hostile (syndicats de journalistes et professionnels de l’audiovisuel compris), les démarrages furent laborieux. Pour l’heure, les deux principales pistes sérieusement envisagées se résument donc à une taxe sur les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès internet (fort hostiles, il va s’en dire !).Mais reste un problème majeur : 450 millions d’euros tomberaient certes dans l’escarcelle mais c’est deux fois moins que ce qu’il faut pour combler le manque à gagner. Réponse de Copé : pas de souci, dans la mesure où la suppression totale de la pub ne serait effective qu’en janvier 2012, la période transitoire consistant en une suppression partielle (après 20heures au 1er septembre 2009).Le débat pose, plus fondamentalement encore et pour les 10 ans à venir, la question du type de programme envisagé pour la télévision (sans exclure la radio) publique.

Quelles missions…pour quelles émissions ?

Dernier point saillant : le modèle économique lui-même dans un monde où l’Internet et le téléphone portable se développent de façon exponentielle. Car " les enfants de la télé " française sont et seront avant tout des enfants de la télé "à la demande ", en ligne et en différé. Elément du décor, la télé est distancée par des ados biberonnés au net et vissés à leurs portables. Le modèle change, les chaînes doivent s’adapter. Et ce n’est pas le " Paf " français, malade de sa frilosité, qui va les en éloigner. Du Delarue à14h en quotidienne, à 20h50 en hebdomadaire et à 22h30 en mensuelle, cauchemar ? Non, réalité actuelle ! Bien sûr, le téléspectateur français se dira captivé par les programmes d’Arte et autres émissions culturelles en tout genre. Mais quelle part de marché pour des émissions –excellentes, certes !- comme " Ce soir, ou jamais " (Frédéric Tadéi, France 3), Mots croisés (Yves Calvi, France 2) ?. Quant à la fiction, alors que les meilleures séries sont actuellement diffusées par Canal +, notamment par le biais de sa " création originale " (en partenariat avec la BBC, d’ailleurs, pour l’excellent Engrenages, par exemple), la suppression de la pub aboutira-t-elle à autre chose que des téléfilms (et, par répercussion immédiate des films) encore plus formatés ? L’avis de Marin Karmitz (membre du collège de professionnels) sera en ce sens précieux.

Un œil sur la planète " télé publique "

L’exemple de pays européens voisins pourrait aider la commission. L’Allemagne, avec une redevance à 204 euros (le double de nos 116 euros) propose 8 minutes de pub par heure sur ses quelques 22 chaînes de télé publique (généralistes et thématiques) mais plus de pub après 20h, le dimanche et les jours fériés (contre 12 minutes de pub actuellement sur les chaînes de France Télévision à toute heure). Quant à la très pragmatique Albion, elle a su, grâce à sa " Beeb " (BBC) imposer un modèle de qualité et d’indépendance, référence unanime sur la scène internationale. Résultat ? Sa part de marché dans le paysage hertzien demeure élevée (45 % contre 38 % pour les chaînes publiques françaises. Le prix ? 135 euros de redevance annuelle… Il va donc bien falloir que le téléspectateur français revienne sur son credo " voir de bons programmes, oui, mais en payant pas plus cher ! " Comme cela avait été fait sous le gouvernement de Lionel Jospin, il faudra bien que l’on contribue tous à l’effort de qualité. Mesure impopulaire, certes, comme le soulignait l’ancienne Ministre de la culture Catherine Tasca, pour qui 2008 est une "année où le pouvoir d'achat est incroyablement dégradé. Parler d'augmentation de la redevance, ce n'est pas de saison" !
La vraie question, seule avancée véritable et issue majeure bien qu’aujourd’hui écartée par jean-François Copé, voix de son maître Sarkozy demeure pourtant bien celle-là : sommes-nous prêts à payer plus cher notre redevance ?
Le rapport final sera soumis au président fin juin.. épisode à suivre, donc.

mardi 20 mai 2008

No country for an old man ? John McCain et le défi républicain

Que savons-nous au juste de John McCain ? Quel candidat est-il, quel président ferait-il ? Ancien prisonnier du Vietnam, sénateur de l’état d’Arizona depuis 22 ans, courageux et indépendant d’esprit, soutenu par Schwartzy et Stallone pour se voir adoubé candidat officiel du parti républicain par son ex-ennemi juré, le président Bush, en mars dernier, c’est surtout la question de son âge qui suscite commentaires acerbes et questionnements sans doute légitimes. McCain fêtera en effet ses 72 printemps le 29 août prochain, 3 jours avant le début de la convention républicaine. Dit autrement, il aurait 75 ans à la fin de son mandat de quatre ans. Y a-t-il là réelle source d’inquiétude ? Reagan n’avait-il pas été élu à 70 ans pour terminer son mandat à 78 ? La sphère politique américaine jusqu’alors préservée serait-elle, à son tour, en proie au jeunisme ? Il n’en resterait pas moins le président le plus âgé à entrer en exercice…

Invité de l'émission de divertissement "Saturday Night Live" sur la chaîne NBC samedi soir, McCain a pris le parti d’en rire et de se moquer de son âge. Ainsi à la question du présentateur : "Je vous pose la question, qu'est-ce que l'on devrait chercher chez notre prochain président?", a-t-il répondu :"certainement quelqu’un qui soit très, très, très vieux (…) L’important c’est de pouvoir regarder ses enfants dans les yeux. Ou, dans mon cas, mes petits-enfants, mes arrières petits enfants, mes arrières-arrières petits enfants, dont les plus jeunes approchent de l’âge de la retraite ! "

Une chose est sûre : on a l’âge de ses alter…ego ! En l’occurrence, un bilan catastrophique pour le parti républicain après 8 ans d’administration Bush. Héritage on ne peut plus encombrant, les adversaires démocrates n’ont eu de cesse que de jouer sur le thème : McCain, le troisième mandat de Bush ! Stratégie payante si l’on regarde de près les défaites accumulées au cours des élections pour le Congrès (des états traditionnellement républicains comme la Louisiane ou le Mississippi ont vu le vote basculer en faveur de représentants démocrates). Présage cauchemardesque ou avertissement salutaire, le challenge principal pour le sénateur, au niveau national, est donc de rassembler le parti autour d’un projet consensuel, c’est-à-dire acceptable par les ailes modérées et plus conservatrices du parti tout en attirant à lui des électeurs démocrates conservateurs et toujours plus d’indépendants.

Soldat McCain : il faut sauver le parti républicain !

Equation insoluble : s’affirmer comme le candidat républicain de l’ère post-Bush sans froisser les convictions de la base du parti. Redonner du souffle à un " grand old party " en déréliction, voilà bien le plan du parti républicain en tout cas et la mission assignée au sauveur McCain. Une guerre impopulaire, un président désavoué (il atteint des records d’impopularité jamais vus depuis Nixon pendant le scandale du Watergate avec 30% d’opinions favorables !), des électeurs républicains qui ont voté pour Obama pendant les primaires, l’enjeu est grand, la situation pas désespérée. La stratégie du camp républicain se joue en trois temps :

1) En finir avec une définition négative mettant l’accent sur les échecs de la décennie passée et présenter un programme fort et clair .Le vice-président du parti, Frank Donatelli, a ainsi déclaré : " le public est prêt à croire que McCain incarne un type de républicain différent ". Et le conseiller de McCain, Charlie Black, d’ajouter : " nous ne nous battons pas contre le président Bush, nous nous battons contre l’un de ces démocrates ! "

2) Attaquer/contre attaquer : jouer la carte, souvent payante, de la peur, en semant le doute, notamment, sur le patriotisme des adversaires démocrates.

3) Faire bonne figure. Car l’ outsider McCain a bien causé des sueurs froides au début de la campagne par son caractère trop modéré, et s’il réaffirme aujourd’hui son credo républicain, sa " fierté d’être conservateur ", il lui reste à convaincre d’anciens supporters de Mitt Romney ou de Mike Huckabee.

Il devra en effet rassembler, outre les centristes de son parti et les électeurs indépendants, les républicains pur jus, plus conservateurs, s’il veut battre son rival démocrate. Se démarquer de Bush pour un " conservatisme de bon sens " (contre le " compassionate conservatism " du premier), certes, mais les lignes de rupture sont pour l’instant assez floues. Réduction d’impôts, maintien des troupes en Irak, il apparaîtra en outre aux côtés du président dans son fief de Phoenix (Arizona) à la fin du mois pour une levée de fonds, véritable nerf de cette guerre électorale, dont il aura bien besoin.

Un éléphant dans un magasin de porcelaine

Rassurer sur sa personnalité, aussi. Le parti républicain (représenté par le symbole de l’éléphant), prêt à s’effriter comme de la vaisselle fragile doit présenter un candidat au-delà de tout soupçon. Il traîne quelques casseroles bien sûr (du moins aux yeux des plus conservateurs) : remarié, il a eu à répondre à des accusations du très sérieux " New York Times " en février quant à une éventuelle liaison avec une jeune lobbyiste, Vicki Iseman. Sa réponse ? Une tournée biographique (version hagiographie), le " Service to America Tour " à travers le pays le mois passé qui lui a permis de se présenter en véritable " héros " selon le bon vieux modèle yankee. Exemple de courage, d’homme de devoir et de loyauté (qui rappelle la manière dont le démocrate Kerry s’était présenté en 2004), McCain incarne aussi un modèle rassurant, presque paternaliste, ce grand-père de la nation idéal.
Expérience, bienveillance et apaisement, c’est bien là toute la force de son âge mais il n’en reste pas moins que près d’un quart des électeurs américains considèrent ses 71 ans comme un élément négatif. La semaine dernière, un sondage publié par le " Washington Post " en partenariat avec ABC révélait que seulement 3 électeurs sur 10 n’étaient " en rien gênés à l’idée d’un président de 72 ans ", alors que le double d’entre eux accepteraient bien volontiers l’idée d’un président noir ou d’une femme présidente…

Pour l’heure, Mac Cain continue à battre le pavé, à serrer des mains et embrasser des têtes bambines pour la forme (il est le candidat officiel du GOP depuis le 5 mars dernier) jusqu’à la convention de septembre. Son défi en attendant le grand soir : réinventer le parti en gardant les lignes idéologiques fondamentales tout en se démarquant du cataclysme Bush. Mais il lui manque encore une vision globale, unifiant ses valeurs, son projet politique et sa personnalité. Il lui reste, surtout, à résoudre cette équation à une inconnue : Clinton (60 ans), Obama (47 ans le 4 août), lequel des deux devra-t-il affronter?

samedi 17 mai 2008

"Tsarkozy" : le coup d’éclat permanent

Dans son livre pamphlet contre De Gaulle Le coup d’état permanent, François Mitterrand écrivait : " les temps du malheur sécrètent une race d’hommes singulière qui ne s’épanouit que dans l’orage et la tourmente. " Maxime par trop bien vérifiée par l’histoire et prophétique à la fois, elle semble s’appliquer avec une certaine acuité à notre bon président, peut-être le plus monarchique d’entre eux alors même qu’il se met à distance de tout principe régalien.

Mitterand citait également en exergue de son deuxième chapitre cette phrase de Louis XVIII : " depuis sa rentrée il est chef de parti et il n’en fait pas mine. Son nom est un drapeau de menace. Son palais un point de ralliement. Il ne remue pas et cependant je m’aperçois qu’il chemine. Cette activité sans mouvement m’inquiète. comment s’y prendre pour empêcher de marcher un homme qui ne fait aucun pas ? " La formule est intéressante en ce qu’elle a de rigoureusement réversible aujourd’hui : oui, sarko s’agite, remue et multiplie les faux pas. Verbaux d’abord. On connaissait le candidat Kärcher, on allait découvrir le président " pauv’con ! " Politiques, ensuite, et par-là même autrement plus graves. De cafouillages en rétropédalages, d’ajustements thérapeutiques en mea culpa cosmétique, le tribun hors pairs voit à présent sa cour se disloquer et le palais de l’Elysée comme un point de rupture et non plus " de ralliement ".

A l’étranger, on s’en émeut un peu à la veille de la présidence de l’union. Pire, on se gausse des dérives de notre président-sandwich (voir la couverture de la presse anglaise au départ du couple Sarkozy-Bruni que la politesse toute britannique avait su réfréner au cours de leur visite officielle) aux 55 réformes proclamées.
La question est donc : comment empêcher cet homme pressé de commettre d’autres bourdes qui ne resteraient comiques et pathétiques s’il n’était resté qu’un " chef de parti ". George Marchais savait bien nous faire rire, non, même à l’insu de son plein gré ?

" Super-sarko bling bling " ou la théorie du l’on récolte ceux que l’on s’aime…

Evidemment, il est aisé de dire que la presse a bon dos de tirer sur une ambulance alors même que le président jouit de la plus forte désapprobation jamais reçue au terme d’une année de mandat par aucun président de la cinquième république. De coups de gueule en coups d’éclat, le président a réussi à obtenir une cote de popularité plus basse que nul autre président avant lui : un tiers des sondés seulement lui accordent désormais leur confiance!
Le jubilatoire " Putain, 4 ans… " de l’hebdomadaire Marianne prophétise cette semaine la fin des haricots et la gabegie généralisée ! Qui d’autres que les médias ont inventé les " bling bling " et autres " super sarko " ? Mais ces tribulations sémantiques ne sont bien nées que d’une observation, forcément minutieuse et toute professionnelle, des comportements présidentiels. Ah, l’épisode la croisière s’amuse à bord du Paloma, l’arrivée en Falcon maltais, Camping 2 ou les tentes bédouines Khadafiennes en pleine cour de l’Elysée, Indiana-Kouchner dont Ingrid attend encore l’assaut ! Les Guignols s’en repaissent, le boulot n’a jamais été aussi facile ! Oui, il l’a cherché et même ses précieux alliés d’antan ne cachent plus leur malaise. Après les brimades envers Rama Yade, les échappés de juppé, à quand un " Mai 2008 expliqué à André Glucksmann"? Ses coups d’éclats se transforment en coup d’épée dans l’eau et en coups dans le dos, on ne s’en émouvra guère...

Du " potlatch " et de la théorie du don court-circuitée

Théorisée en grande partie par le sociologue et anthropologue Marcel Mauss, le principe dit du
" don et du contre don " (ou Potlatch) s’avère très éclairant. Le don est a priori défini comme totalement désintéressé mais point de charité chrétienne ici, la personne qui reçoit se sent redevable et se doit, nécessairement, pour elle-même et pour la survie de la communauté toute entière, de faire un don en retour. Oui, Sarko a donné, nous a donné, s’est donné, pendant la campagne présidentielle. Des cités de banlieue au port de pêche de Lorient, en apothéose mégalo au meeting de Paris-Bercy. N’y avait-il pas déclaré devant une vingtaine de milliers de personnes : "durant ces quatre mois, je vous le jure, j'ai tout donné" ? Et le peuple lui en a su gré, l’assurant en retour d’un contre-dont de 53%…Si l’on suit le cheminement potlatchien et la bonne marche anthropologique de notre cher pays, il est celui redevable à présent envers un peuple tout entier. Mais attention, l’échange doit être équitable ! Point de réformes-breloques, mesurettes-pacotilles, et autre promesses-bimbeloteries, le Président se doit d’être à la hauteur du don qui lui a été fait pour que le deal, le troc, soit parfaitement gagnant-gagnant, pour emprunter à une autre aspirante maussienne. Alors redonner de l’éclat véritable à une présidence et surtout à une politique qui en manquent cruellement, mille fois oui, pour une bonne remise en " marche " et un " cheminement " réel vers des temps moins troublés ou bien la formule " briller ou disparaître " sera bel et bien la sanction pour ce quinquennat qui n’aura jamais paru aussi long...

Les femmes du président : Cindy McCain, Michelle Obama, portraits de femmes… de présidentiables !

Alors que la campagne pour les primaires est dorénavant pliée pour John McCain, Michelle Obama est à nouveau dans les starting blocks, destination : Puerto Rico où se tiendra une nouvelle primaire le 1er juin prochain qui pourrait bien, avec ses 63 délégués, enfin clore la campagne démocrate. Femme de tête au caractère bien trempé, Michelle Lavaughn Robinson, 44 ans, avocate renommée et épouse du candidat démocrate depuis 1992, suscite commentaires passionnés et interrogations légitimes. Elle nous permet, surtout, d’envisager cette question fondamentale : qu’attendent exactement les Américains de leur first lady ?

" Foxy ladies " ou " pancake mummies " : quelles premières dames Cindy et Michelle feraient-elles ?

Pendant la première campagne présidentielle de Bill Clinton, l’aspirante première dame d’alors, aujourd’hui en course pour la nomination démocrate, s’était attirée les foudres d’une bonne partie de l’opinion américaine, en tout cas des femmes au foyer qui avaient fait le choix de ne pas travailler, en déclarant qu’elle n’envisageait pas de " rester à la maison pour faire des cookies et recevoir pour le thé…." Vision apparemment partagée par Michelle Obama…davantage que par Cindy Mc Cain. Des origines que tout oppose, des conceptions du " premiership " contradictoires, il y a pourtant un point qui les rassemble : leur " sex appeal " évident. La référence suprême en matière d’élégance –apparemment même en France- à savoir Jackie Kennedy se voyait mère et épouse avant d’être première dame. Autres temps, aures mœurs ? Pas vraiment, tant le critère de séduction et de charme reste au cœur des préoccupations dès lors qu’il s’agit d’envisager quel modèle de première dame Cindy et Michelle ont à proposer.
Cindy Lou Hensley, seconde femme du candidat républicain, fille de millionnaire et ancienne reine de beauté n’a de ce côté là rien à envier à celle que l’on a surnommée, par un raccourci un peu facile, la " Jackie Kennedy noire" attendue et rêvée par tant d’Américains. Mais attend-t-on seulement de ces " foxy ladies " (en argot américain : " filles sexy ") qu’elles soient belles et se taisent ? Il est vrai que les exemples de premières dames réellement impliquées dans les affaires politiques dans l’histoire américaine récente sont rares : Eleanor Roosevelt, bien sûr…et après ? " Pat " Nixon, Barbara puis Laura Bush : de parfaites maîtresses de cérémonie à la Maison Blanche comme Jackie Kennedy en effet.

Hillary Clinton avait pour sa part payé cher ses considérations culinaires. Paradoxe contemporain, les Américains aiment l’idée d’une première dame intellectuellement brillante, dynamique et impliquée.. . tant que ça n’enfreint pas des règles par trop codifiées de tenue rhétorique élémentaire. Si Michelle Obama, fille de la méritocratie américaine (mère secrétaire, père employé municipal), forçait l’admiration quand elle répondait à Larry King en février dernier sur CNN : " Je me dis, quelle opportunité ! Quelle plate-forme j'aurai, en principe, pour aborder tout un tas de questions qui pourraient avoir un effet sur le pays. Quel privilège d'avoir la possibilité de m'adresser aux cœurs des gens et de contribuer à faire bouger ce pays dans une direction différente ", son caractère bien trempé lui a valu bien des tours en début de campagne, et on l’accuse facilement d’élitisme, reproche connu et enduré par Hillary Clinton avant elle. Première grosse gaffe de campagne, elle a payé cash sa phrase répétée à l’envie "pour la première fois de ma vie d’adulte, je suis fière de mon pays". Réponse immédiate de Cindy : " moi aussi je suis fière de mon pays, j’en suis très fière". Cette dernière souhaite jouer un rôle plus " traditionnel " en tant que première dame et sa campagne actuelle le laisse en effet présager. Elle donne beaucoup moins d’interviews que Michelle, ne donne pas de discours d’une heure sans notes comme le fait sa rivale, véritable " natural born orator " ! Elle fait donc moins peur, notamment à l’électorat plus traditionaliste et conservateur, qui frémit quelque peu, aussi, bien qu’il soit difficile de l’admettre ouvertement aux sondeurs, à l’idée d’une photo de famille noire à la Maison Blanche. Michelle a en tout cas retenu la leçon et sait également présenter une image plus adoucie.

" stand by your man " : des trajectoires de campagne différentes, des passages obligés

Outre l’élégance requise, on attend aussi d’une première dame une affirmation des valeurs familiales (elles sont toutes deux de bonnes mères de famille, point d’inquiétude de ce côté-là donc !) et un soutien indéfectible, évidemment, envers son époux. " Je n'ai rien calculé, je n'ai rien prévu (…) Je suis donc la première dame jusqu'à la fin du mandat de mon mari, et son épouse jusqu'à la mort. " Cindy, Michelle ? Non, Carla Bruni-Sarkozy, répondant à Christophe Barbier (L’Express) sur son rôle de première dame de France le mois dernier ...
Soutien financier, d’abord, pour Cindy dont la fortune personnelle, familiale, a fortement aidé son mari dans sa campagne pour le poste de gouverneur d’Arizona d’abord, puis lors des primaires républicaines de 2000. En matière d’argent, Michelle Obama soutient elle son mari de façon diamètralement opposée en mettant en avant , à l’inverse, ses origines modestes (ils vivent toujours dans les quartiers noirs au sud de Chicago) tout en ayant pris un congé sans solde cette année pour suivre son mari en campagne. " Stand by your man ", donc, comme le chantait Tammy Wynette en 1968, ou comment rassurer le bon peuple par l’affirmation du couple. Comme Hillary Clinton (encore elle !) avait dû le faire exactement 10 ans plus tôt, en 1998, Cindy McCain a inauguré l’année 2008 en affrontant les médias suite aux révélations du très sérieux " New York Times " sur une probable liaison entre John et une jeune lobbyiste, Vicki Iseman. Et si ses interviews officielles sont plus rares il est vrai, elle n’en reste pas moins aux côtés de son candidat de mari qui continue à sillonner les routes américaines, de meeting en discours, de primaires en tournages de spots télévisés bien que sa nomination soit désormais officielle depuis deux mois. Même sacerdoce pour Michelle, bien que la nomination se fasse attendre, son rôle, à l’inverse de Cindy McCain, est plus que jamais primordial puisque le moindre faux pas, la moindre déclaration se voient commentés et disséqués par des médias aux aguets. Celle que l’on a surnommée "the Closer", celle qui conclut l'affaire doit bien prendre garde à ne pas introduire de vice de forme…
Trajectoires croisées, destins en suspens on ne peut plus fascinants, et pourtant, l’attention médiatique se porte tout autant si ce n’est même davantage sur un troisième personnage, pour le moins central dans cette campagne… Bill Clinton " himself " !

" First man Bill ! "

Une enquête récente du Centre de Recherches Pew indique que la couverture médiatique consacrée à l’ex-président est presque quatre fois plus grande que celle dévolue à Cindy McCain et Michelle Obama combinées.* Il a bien sûr droit au même lot de galéjades que celles entendues au sujet de François Hollande si Ségolène en était venue à l’emporter mais le sujet est sérieux, du moins sur le plan de la langue, car si la " first lady " se voit linguistiquement reconnue, comment désigner, chose jusqu’alors inédite, le mari de la présidente ? Très certainement par le terme officiel de " first gentleman " actuellement attribué aux quelques époux de femmes gouverneurs. La chose linguistique étant réglée, il lui restera à se faire à l’idée ! a ce jour, encore 64% des électeurs démocrates veulent qu’Hillary reste en course ! (Sondage ABC News/Washington Post du 12 mai 2008 ). Une chose est sûre, s’il ne fait pas de pancakes et autres cookies pour les équipes de campagne, il mouille en tout cas la chemise pour aider Hillary à vaincre l’irrésistible ascension de Barack Obama .

Mais la course à l’investiture n’est pas un long fleuve tranquille et il devrait prendre garde, lui aussi, à ne pas porter ombrage à la campagne de sa femme. Ainsi a-t-il déclaré lors d’une rencontre d’anciens combattants il y a quelques semaines: "je pense que ce serait bien si on avait une élection où vous avez deux candidats qui aiment leur pays et sont dévoués aux intérêts du pays", accusant assez explicitement Obama de ne pas être suffisamment patriote. Critique indigne, outrageante et avant tout déloyale, il confirme des inquiétudes partagées au sein même du camp démocrate pro-Hillary quant à son implication souvent trop visible dans cette campagne et rend plus aisée la contre-attaque sur le thème de la dynastie clintonienne. Elément qui rassurera finalement les défenseurs de la parité absolue, en politique comme ailleurs, il devra lui aussi, apprendre parfois à se taire en attendant la convention démocrate de Denver en août prochain.

* Enquête du Pew Research Center publiée le 14 mai 2008 comprenant 298 " news stories " pour Bill contre 78 pour les deux autres personnalités entre le 1er janv. et le 11 mai 2008.





Hillary ou le paradoxe du genre

article publié par Rue89
(et toujours disponible en ligne: http://www.rue89.com/)


En mars 1992, en pleine campagne présidentielle de son gouverneur de mari, Hillary Clinton avait déclaré au cours d’un discours " nous aurons une femme à la présidence d’ici 2010 ". Se voyait-elle déjà concrétiser cette ambition politique et mettre un terme à la domination masculine du champ politique réaffirmée par Habermas dans sa préface de l’édition de 1990 de l’Espace public : " l’exclusion des femmes a été un élément constitutif de la sphère publique politique " ?
Dans l’histoire américaine, il n’y avait guère avant elle que Madeleine Albright et Condoleeza Rice pour tenir un rôle politique d’envergure nationale, même si le nombre, faut-il pour autant parler de record, au congrès américain est actuellement de 74 " représentantes " et 16 sénatrices sur un total de 100.
La promesse de Bill d’avoir " deux Clinton pour le prix d’un " proférée au cours de sa première campagne présidentielle de 1992 a bel et bien été honorée par un mandat de 8 ans en tant que sénatrice de l’état de New York et l’ex- " première dame la plus insultée de l’histoire des Etats-Unis " (selon l’expression de Philippe Boulet-Gercourt du Nouvel Observateur) se bat frénétiquement pour se maintenir dans la course à la nomination décidée en août prochain lors de la convention démocrate à Denver. La route n’est pourtant pas sans embûche et l’avantage actuel de son rival Obama (142 délégués de plus, restent encore les 800 " super délégués " qui ne se prononceront qu’au terme de la convention) n’est pas pour rassurer ses supporters. Aussi est-il pertinent de reposer cette question, lancinante mais néanmoins prégnante dans cette course à l’investiture : sa " féminité " lui est-elle défavorable et est-elle, tout simplement un facteur dans cette élection ?

Le gender gap ou l’ XY de l’identité politique

La personnalisation des campagnes politiques, invention américaine s’il en est et que les démocraties européennes ont vite fait d’importer, n’est plus à questionner. Dans Les tyrannies de l’intimité déjà, (1979) le sociologue Richard Sennet dénonçait ce star système politique qui promeut des individus et non plus des groupes (les bons vieux partis d’antan) dans une culture sécularisée qui prône l’intimisme et la " proximité " comme valeurs fondamentales. Mais cet être au " charisme sécularisé ", ce " petit homme qui est devenu le héros des autres " peut-il être une femme ?
L’image de Hillary Clinton s’est jusqu’à présent construite sur une série de tensions, celle de la candidate rompue à l’exercice de la praxis politique et néanmoins femme. Et pourtant l’on ne pourrait dire qu’elle a joué, joue, de sa féminité, elle aurait même plutôt cherché à gommer le caractère féminin de son personnage pour ne garder que le mot " politique " de l’expression " femme politique ". En termes d’ " éligibilité ", sa crédibilté, et, partant, sa légitimité politique, n’est plus à construire. Comble d’injustice, sa maîtrise sacerdotale des dossiers la rendrait même pourtant antipathique. Selon une enquête récente du " Centre de recherche Pew pour le public et les médias ", 43% des démocrates blancs déclarent qu’elle est " difficile à aimer " et près de 6 électeurs démocrates sur 10 pensent que Barack Obama va remporter la primaire.
Elle peut néanmoins compter sur des soutiens substantiels, au premier rang desquels… les femmes ! Autre élément marquant, selon une autre enquête publiée en février par le même centre de recherche, 38% des démocrates estiment qu’elle est la plus à-même de " diriger le pays " contre 28% pour son adversaire. Le " gender gap " (qui veut, schématiquement, que les femmes préfèrent donner leur soutien à une candidate) et son expérience jouent donc pour elle. Paradoxe du système tout entier, on en arrive à dire qu’elle ne joue de son genre qu’indirectement au travers des " issues " (thèmes de campagne) abordées prioritairement dans sa campagne : l’éducation, une couverture médicale pour tous, la famille alors même que le modèle de communication politique made in USA personnaliserait le débat reléguant au second plan, précisément, les thèmes de campagne.

Le " savoir émouvoir "

Il ne faudrait pas pour autant sous-estimer sa capacité à jouer la carte du pathos, cette dimension émotionnelle de la vie politique bien décrite par Philippe Braud dans son ouvrage L’émotion en politique. Ce savoir émouvoir, elle l’a mis en œuvre récemment, et à deux reprises, essuyant des larmes à deux reprises. De la même manière son prénom étendard, véritable logo de campagne, montre qu’elle fait bien de cette élection une histoire personnelle. " Hillary for president " : la disparition intéressante de son nom ( de jeune fille, Rodham, qu’elle a souhaité garder en épousant Bill Clinton en 1975 pour n’accoler ce dernier qu’en 1982 après la défaite de celui-ci au second mandat de gouverneur de l’Arkansas…) n’est plus une question d’autonomie ni même une volonté de se démarquer de vingt ans de dynastie clintonienne parfois encombrante mais bien plutôt la quête effrénée et vitale d’une proximité avec l’électorat. Elle ne sera certes jamais une girl next door tout à fait ordinaire, au moins saura-t-elle apparaître simple, accessible, tout simplement humaine. Fait intéressant, son adversaire se pressente, lui, sous le slogan " Obama for America "…

Obama : le miroir inversé

On a, par un raccourci légitime, souvent rapproché ces deux candidatures dans ce qu‘elles ont de nouveau, pour faire simple : une femme, un noir. Or il semble bien au contraire que ces deux candidats, loin même d’être complémentaires (malgré le rêve pari un peu fou d’un " ticket " Clinton-Obama dont l’ordre resterait à définir) ne sont définitivement pas les deux faces d’une même pièce démocrate. Bien sûr, il a dû lui aussi faire face aux stéréotypes au cours des primaires (10 % des Américains, 14% des républicains, pensent toujours qu’il est musulman) mais alors qu’il aurait su, lui, s’affranchir du clivage noir/blanc, candidat " post-racial " autoproclamé, elle serait toujours pour sa part enfermée dans un clivage homme/femme. Et les sites de campagne officiels nous présentent même une image inversée des schémas attendus : celui d’Obama nous donnant à voir un portrait de famille alors que Hillary apparaît seule sous un profile avantageux. Quant au registre de l’émotion, l’enquête du Pew center montre qu’il est celui capable d’" inspirer ", de se " sentir optimiste et fier " et seulement 13% des électeurs démocrates trouvent qu‘il est " difficile à aimer ". La couverture médiatique de sa campagne a également été jusqu’à très récemment extrêmement positive, sinon partisane, alors que Hillary Clinton, héroïne (voire martyre pour un temps, rappelez-vous l’épisode Monica) et anti-héroïne à la fois, cristallisait des espoirs et tout autant de haines .

Nouveau modèle positif tant attendu, les portes du sésame politique ouvertes à elles par le biais du sénat en 2000 (avec 55% face au républicain Rick Lazio, elle avait obtenu, fait intéressant dans la campagne actuelle, 90% du vote des noirs américains) saura-t-elle relever le défi de sa propre prophétie auto-révélatrice d’il y a 16 ans ? Ou bien le " Time for change " tournera-t-il définitivement à l’avantage d’Obama?

Hillary Clinton joue son maintien dans la course

mardi 6 mai 2008

Nous aimons les Etats-Unis et nous en amusons, parfois, pour ses idiosyncrasies que nous ne manquons pas de regarder, souvent, avec une certaine condescendance bienveillante.
Spécificité du fédéralisme américain, entre autres exemples, chaque état se voit gratifié d’un petit surnom, poétique et imagé: California, " the Golden State ", Florida, " the Sunshine state " ou plus prosaïquement descriptif tel l’Arizona de McCain, " the Grand canyon State " ou l’Illinois d’Obama, " Land of Lincoln ". La disparition des départements sur nos plaques minéralogiques en janvier prochain pourrait-elle nous inciter à réaffirmer nos identités départementales d’une manière tout aussi sympathique ? Haute-garonne, " LE pays du cassoulet ", Finistère, " battu par les vents ", le Nord, " bienvenue chez les Ch’tis " ? ! Outre ce surplus métaphorique, supplément d’âme et affirmation identitaire à la fois, les états américains ont également chacun une devise, slogan-étendard ou formule programmatique qui vise à réaffirmer les valeurs qui leur sont propres.
Prenons celui du territoire de Guam : " Where America's Day Begins " (" là où l’histoire de l’Amérique commence "). Devise ambitieuse s’il en est pour cette île du Pacifique de quelques 175 000 habitants, la formule n’en reste pas moins pertinente dans la course à l’investiture démocrate qui fait rage, tant le vote de samedi a, une fois encore, illustré combien la campagne était serrée. Version à toute petite échelle de la campagne nationale, les îliens se sont bel et bien exprimés (ils n’auront pas l’occasion de voter le 4 novembre). Résultat des courses : 2264 voix pour Obama, 2257 pour Clinton, une différence de 7 points, donc. Mais les regards sont déjà tous détournés du pacifique ouest et tant les pundits (analystes politiques et autres experts-journalistes) que les néophytes se focalisent aujourd’hui vers deux états clés qui pourraient bien, définitivement, certains démocrates diront même " enfin ! ", changer la donne.

" Le carrefour de l’Amérique "

L’Indiana tout d’abord. " The crossroads of America ", le " carrefour de l’Amérique " selon sa devise, cet état limitrophe de l’Illinois de Barack Obama est l’enjeu numéro 1 pour Hillary Clinton demain si elle veut se maintenir dans la course. Outre l’aspect purement comptable (79 délégués sont en jeu et lui permettraient de réduire l’avantage de son adversaire), l’enjeu est aussi hautement symbolique, voire psychologique, puisque l’Indiana est représentatif des blue-collar states (à population fortement ouvrière) et qu’une défaite, aussi courte fut-elle, de la candidate, montrerait qu ‘elle ne parvient pas à prendre l’ascendant sur son rival alors même que celui-ci traverse des temps pour le moins troublés. Ses conseillers ont ainsi présenté sa première apparition télévisée dans le très conservateur programme " The O’Reilly Factor " sur Fox News mercredi dernier comme une tentative pour rallier à sa cause l’électorat working class ainsi que les hommes blancs et indépendants qui pourraient bien faire la différence aujourd’hui. Elle a d’ailleurs sauté sur l’occasion pour commenter les déboires actuels de son concurrent démocrate qui venait de s’exprimer et de prendre des distances on ne peut plus claires au sujet de son pasteur iconoclaste, le révérend Jeremiah Wright. Son équipe de campagne se dit confiante et pense qu’elle l’emportera dans cet état de la dernière chance. Le dernier sondage publié par
CNN.com dimanche pourrait confirmer l’optimisme du camp Hillary : selon les chiffres, 50 % des électeurs démocrates soutiendraient Obama contre 42 % pour Clinton, soit une perte d’un point pour le candidat par rapport au week-end précédent. Erosion réelle de l’ " Obamania " ou coup de mou conjoncturel, un autre sondage publié mercredi dernier par le New York Times et CBS News révélait en tout état de cause que 51% de ces mêmes démocrates pensaient voir Obama remporter la nomination pour la présidentielle en août prochain, ils étaient 69% à le croire il y a un mois…

" Etre, plutôt que paraître "

Autre pari pour Hillary, 110 délégués sont aussi dans la balance en Caroline du Nord. Là et selon les dires mêmes de ses conseillers de campagne, ses chances de remporter l’élection sont moindres. Certes, elle a reçu le soutien du gouverneur démocrate de l’état, Mike Easley, certes Bill mouille la chemise jusque dans les comtés les plus reculés pour promouvoir l’ex-first lady, mais la forte population noire de l’état (22% contre 13% pour l’ensemble du pays) pourrait donner un avantage autrement plus net à Obama qui a toujours su rallier cet électorat. Il avait notamment remporté 80% du vote noir en Caroline du sud en janvier dernier et une enquête toute récente du Pew research center* indique que malgré une légère mais significative perte de confiance des électeurs démocrates en faveur d’Obama, 80 % des électeurs démocrates noirs lui restent fidèles.
La bataille va donc être rude aujourd’hui et il va bien s’agir d’envoyer des messages forts aux électeurs de l’état , rassurants pour Obama, combatifs pour Hillary. Elle n’a eu de cesse ce week-end, sillonnant l’état pour des meetings et autres réunions plus informelles que de réaffirmer ses priorités : un système de santé universel et décent, une économie forte et ragaillardie, une attention toute particulière aux classes moyennes. Obama, lui, a déjà remporté 31 états sur 46 et passe la journée de lundi en Indiana. Sa priorité à lui: elle a été vue, entendue et réaffirmée dans un spot de campagne diffusé dans cet état hier soir : croire en un changement politique possible. " Esse quam videri ", " être plutôt que paraître ", c’est là tout l’enjeu de cette primaire et, accessoirement, la devise de la Caroline du Nord !..

* Centre de recherche Pew pour le public et les médias publiée le jeudi 1er mai 2008.