mardi 20 mai 2008

No country for an old man ? John McCain et le défi républicain

Que savons-nous au juste de John McCain ? Quel candidat est-il, quel président ferait-il ? Ancien prisonnier du Vietnam, sénateur de l’état d’Arizona depuis 22 ans, courageux et indépendant d’esprit, soutenu par Schwartzy et Stallone pour se voir adoubé candidat officiel du parti républicain par son ex-ennemi juré, le président Bush, en mars dernier, c’est surtout la question de son âge qui suscite commentaires acerbes et questionnements sans doute légitimes. McCain fêtera en effet ses 72 printemps le 29 août prochain, 3 jours avant le début de la convention républicaine. Dit autrement, il aurait 75 ans à la fin de son mandat de quatre ans. Y a-t-il là réelle source d’inquiétude ? Reagan n’avait-il pas été élu à 70 ans pour terminer son mandat à 78 ? La sphère politique américaine jusqu’alors préservée serait-elle, à son tour, en proie au jeunisme ? Il n’en resterait pas moins le président le plus âgé à entrer en exercice…

Invité de l'émission de divertissement "Saturday Night Live" sur la chaîne NBC samedi soir, McCain a pris le parti d’en rire et de se moquer de son âge. Ainsi à la question du présentateur : "Je vous pose la question, qu'est-ce que l'on devrait chercher chez notre prochain président?", a-t-il répondu :"certainement quelqu’un qui soit très, très, très vieux (…) L’important c’est de pouvoir regarder ses enfants dans les yeux. Ou, dans mon cas, mes petits-enfants, mes arrières petits enfants, mes arrières-arrières petits enfants, dont les plus jeunes approchent de l’âge de la retraite ! "

Une chose est sûre : on a l’âge de ses alter…ego ! En l’occurrence, un bilan catastrophique pour le parti républicain après 8 ans d’administration Bush. Héritage on ne peut plus encombrant, les adversaires démocrates n’ont eu de cesse que de jouer sur le thème : McCain, le troisième mandat de Bush ! Stratégie payante si l’on regarde de près les défaites accumulées au cours des élections pour le Congrès (des états traditionnellement républicains comme la Louisiane ou le Mississippi ont vu le vote basculer en faveur de représentants démocrates). Présage cauchemardesque ou avertissement salutaire, le challenge principal pour le sénateur, au niveau national, est donc de rassembler le parti autour d’un projet consensuel, c’est-à-dire acceptable par les ailes modérées et plus conservatrices du parti tout en attirant à lui des électeurs démocrates conservateurs et toujours plus d’indépendants.

Soldat McCain : il faut sauver le parti républicain !

Equation insoluble : s’affirmer comme le candidat républicain de l’ère post-Bush sans froisser les convictions de la base du parti. Redonner du souffle à un " grand old party " en déréliction, voilà bien le plan du parti républicain en tout cas et la mission assignée au sauveur McCain. Une guerre impopulaire, un président désavoué (il atteint des records d’impopularité jamais vus depuis Nixon pendant le scandale du Watergate avec 30% d’opinions favorables !), des électeurs républicains qui ont voté pour Obama pendant les primaires, l’enjeu est grand, la situation pas désespérée. La stratégie du camp républicain se joue en trois temps :

1) En finir avec une définition négative mettant l’accent sur les échecs de la décennie passée et présenter un programme fort et clair .Le vice-président du parti, Frank Donatelli, a ainsi déclaré : " le public est prêt à croire que McCain incarne un type de républicain différent ". Et le conseiller de McCain, Charlie Black, d’ajouter : " nous ne nous battons pas contre le président Bush, nous nous battons contre l’un de ces démocrates ! "

2) Attaquer/contre attaquer : jouer la carte, souvent payante, de la peur, en semant le doute, notamment, sur le patriotisme des adversaires démocrates.

3) Faire bonne figure. Car l’ outsider McCain a bien causé des sueurs froides au début de la campagne par son caractère trop modéré, et s’il réaffirme aujourd’hui son credo républicain, sa " fierté d’être conservateur ", il lui reste à convaincre d’anciens supporters de Mitt Romney ou de Mike Huckabee.

Il devra en effet rassembler, outre les centristes de son parti et les électeurs indépendants, les républicains pur jus, plus conservateurs, s’il veut battre son rival démocrate. Se démarquer de Bush pour un " conservatisme de bon sens " (contre le " compassionate conservatism " du premier), certes, mais les lignes de rupture sont pour l’instant assez floues. Réduction d’impôts, maintien des troupes en Irak, il apparaîtra en outre aux côtés du président dans son fief de Phoenix (Arizona) à la fin du mois pour une levée de fonds, véritable nerf de cette guerre électorale, dont il aura bien besoin.

Un éléphant dans un magasin de porcelaine

Rassurer sur sa personnalité, aussi. Le parti républicain (représenté par le symbole de l’éléphant), prêt à s’effriter comme de la vaisselle fragile doit présenter un candidat au-delà de tout soupçon. Il traîne quelques casseroles bien sûr (du moins aux yeux des plus conservateurs) : remarié, il a eu à répondre à des accusations du très sérieux " New York Times " en février quant à une éventuelle liaison avec une jeune lobbyiste, Vicki Iseman. Sa réponse ? Une tournée biographique (version hagiographie), le " Service to America Tour " à travers le pays le mois passé qui lui a permis de se présenter en véritable " héros " selon le bon vieux modèle yankee. Exemple de courage, d’homme de devoir et de loyauté (qui rappelle la manière dont le démocrate Kerry s’était présenté en 2004), McCain incarne aussi un modèle rassurant, presque paternaliste, ce grand-père de la nation idéal.
Expérience, bienveillance et apaisement, c’est bien là toute la force de son âge mais il n’en reste pas moins que près d’un quart des électeurs américains considèrent ses 71 ans comme un élément négatif. La semaine dernière, un sondage publié par le " Washington Post " en partenariat avec ABC révélait que seulement 3 électeurs sur 10 n’étaient " en rien gênés à l’idée d’un président de 72 ans ", alors que le double d’entre eux accepteraient bien volontiers l’idée d’un président noir ou d’une femme présidente…

Pour l’heure, Mac Cain continue à battre le pavé, à serrer des mains et embrasser des têtes bambines pour la forme (il est le candidat officiel du GOP depuis le 5 mars dernier) jusqu’à la convention de septembre. Son défi en attendant le grand soir : réinventer le parti en gardant les lignes idéologiques fondamentales tout en se démarquant du cataclysme Bush. Mais il lui manque encore une vision globale, unifiant ses valeurs, son projet politique et sa personnalité. Il lui reste, surtout, à résoudre cette équation à une inconnue : Clinton (60 ans), Obama (47 ans le 4 août), lequel des deux devra-t-il affronter?

Aucun commentaire: