samedi 24 mai 2008

Payer plus pour regarder mieux ?

Premières conclusions – illusions - de la commission Copé " pour une nouvelle télévision publique"

Rien de nouveau sous le soleil mercredi : la conférence de presse-étape plus qu’attendue de Jean-François Copé, président de la commission " pour une nouvelle télévision publique " s’est finalement soldée par la remise sur le tapis des pistes préliminaires, à savoir : l’augmentation de la redevance (l’option privilégiée par la majorité de la commission mais que Sarkozy exclue fermement), une taxe sur les opérateurs de téléphonie mobile ou encore sur les fournisseurs d’accès Internet, en gros ce qui avait, déjà, été envisagé dès janvier !
Annoncée, comme à son habitude, avec fracas, sans consultation préalable des principaux intéressés (y compris la Ministre de la Culture Christine Albanel qui l’a appris en même temps que les journalistes) par le président orchestre Sarkozy, le 8 janvier dernier, où en est-on réellement, après quatre mois et demi de débats, de la suppression de la pub à la télé publique ?

De bidouillages en cafouillages…

Après l’effet d’annonce, un communiqué de la présidence daté du 16 février fixait un objectif clair et ambitieux, salutaire, même, s’accordaient à dire certains professionnels: " proposer une nouvelle identité pour le service public audiovisuel à l’ère du numérique, et faire des propositions permettant au gouvernement de rédiger le nouveau cahier des missions et des charges du groupe France Télévisions. "
La commission, composée d’un collège de 16 parlementaires (dont 4 socialistes) , et d’un deuxième collège de 17 professionnels (dont le pédopsychiatre Marcel Rufo, le producteur audiovisuelJacques Chancel ou encore Marin Karmitz, producteur et distributeur (MK2), devait donc résoudre cette équation fondamentale : comment compenser un manque à gagner estimé à 1,2 milliard d’euros, à partir de quand et selon quelles modalités ? Marqués par un environnement légitimement hostile (syndicats de journalistes et professionnels de l’audiovisuel compris), les démarrages furent laborieux. Pour l’heure, les deux principales pistes sérieusement envisagées se résument donc à une taxe sur les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès internet (fort hostiles, il va s’en dire !).Mais reste un problème majeur : 450 millions d’euros tomberaient certes dans l’escarcelle mais c’est deux fois moins que ce qu’il faut pour combler le manque à gagner. Réponse de Copé : pas de souci, dans la mesure où la suppression totale de la pub ne serait effective qu’en janvier 2012, la période transitoire consistant en une suppression partielle (après 20heures au 1er septembre 2009).Le débat pose, plus fondamentalement encore et pour les 10 ans à venir, la question du type de programme envisagé pour la télévision (sans exclure la radio) publique.

Quelles missions…pour quelles émissions ?

Dernier point saillant : le modèle économique lui-même dans un monde où l’Internet et le téléphone portable se développent de façon exponentielle. Car " les enfants de la télé " française sont et seront avant tout des enfants de la télé "à la demande ", en ligne et en différé. Elément du décor, la télé est distancée par des ados biberonnés au net et vissés à leurs portables. Le modèle change, les chaînes doivent s’adapter. Et ce n’est pas le " Paf " français, malade de sa frilosité, qui va les en éloigner. Du Delarue à14h en quotidienne, à 20h50 en hebdomadaire et à 22h30 en mensuelle, cauchemar ? Non, réalité actuelle ! Bien sûr, le téléspectateur français se dira captivé par les programmes d’Arte et autres émissions culturelles en tout genre. Mais quelle part de marché pour des émissions –excellentes, certes !- comme " Ce soir, ou jamais " (Frédéric Tadéi, France 3), Mots croisés (Yves Calvi, France 2) ?. Quant à la fiction, alors que les meilleures séries sont actuellement diffusées par Canal +, notamment par le biais de sa " création originale " (en partenariat avec la BBC, d’ailleurs, pour l’excellent Engrenages, par exemple), la suppression de la pub aboutira-t-elle à autre chose que des téléfilms (et, par répercussion immédiate des films) encore plus formatés ? L’avis de Marin Karmitz (membre du collège de professionnels) sera en ce sens précieux.

Un œil sur la planète " télé publique "

L’exemple de pays européens voisins pourrait aider la commission. L’Allemagne, avec une redevance à 204 euros (le double de nos 116 euros) propose 8 minutes de pub par heure sur ses quelques 22 chaînes de télé publique (généralistes et thématiques) mais plus de pub après 20h, le dimanche et les jours fériés (contre 12 minutes de pub actuellement sur les chaînes de France Télévision à toute heure). Quant à la très pragmatique Albion, elle a su, grâce à sa " Beeb " (BBC) imposer un modèle de qualité et d’indépendance, référence unanime sur la scène internationale. Résultat ? Sa part de marché dans le paysage hertzien demeure élevée (45 % contre 38 % pour les chaînes publiques françaises. Le prix ? 135 euros de redevance annuelle… Il va donc bien falloir que le téléspectateur français revienne sur son credo " voir de bons programmes, oui, mais en payant pas plus cher ! " Comme cela avait été fait sous le gouvernement de Lionel Jospin, il faudra bien que l’on contribue tous à l’effort de qualité. Mesure impopulaire, certes, comme le soulignait l’ancienne Ministre de la culture Catherine Tasca, pour qui 2008 est une "année où le pouvoir d'achat est incroyablement dégradé. Parler d'augmentation de la redevance, ce n'est pas de saison" !
La vraie question, seule avancée véritable et issue majeure bien qu’aujourd’hui écartée par jean-François Copé, voix de son maître Sarkozy demeure pourtant bien celle-là : sommes-nous prêts à payer plus cher notre redevance ?
Le rapport final sera soumis au président fin juin.. épisode à suivre, donc.

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